Les Immobiles.

Ah ! Voici le chat de Saint-Flavi.

Papa ! Papa ! Tu te trompes encore de chat, voyons. C’est celui de Serre de Lans, un des villages pimpants nichés au pied du col de Restaufond; dans le virage. Il est vrai que chaque village possède son chat et son virage et qu’il est dès lors difficile d’y retrouver les siens.

L’Ange et la Vierge. Ces contrées étaient autrefois profondément religieuses. Elles filaient alors du mauvais coton.

Mais suivons le guide, il nous guide.

La Vierge de la petite église de Saint-Flavi. La Chapelle et son minuscule cimetière attenant font l’objet d’un programme de rénovation animé par un groupe de bénévoles animés. Faites un don si vous souhaitez effacer les fissures du temps.

Généreusement elle vous ouvre les bras, si fragile.

Rien n’est vraiment droit dans ce Pays où il n’y a que les morts qui soient horizontaux.

Ici le vent, toujours le vent.
Ici, la pente, toujours la pente.
Ici, la fente, toujours la fente (Omettez soigneusement le i, sinon…).
… ici, la fente avance, et pour d’Autres, ce sera le désert.

La légèreté de l'être.

Je garde soigneusement le souvenir de ces Anciens évoquant avec inquiétude les évolutions de ces fentes impressionnantes cinglant les immeubles de ce pays sismique.
... Il m’émeut.

Et toutes ces femmes en noirs, habillées en triste, suggérant pleins de sous-entendus et d’émotions cachées liés à la perte et à l’enfui sous le regard interrogatif des gamins alentours…
Et elles avaient raison, la fente avance…

Les Immobiles, Tantes et Tantines, Mimie, Clémentine, Lucienne et les autres… pieux fichés en terre de schiste épiant avec inquiétude la fente voisine, qui avançait lentement… cependant elles savaient où elles allaient, immobiles.

Mais quelles Dames tartines ça faisaient ! Avez-vous déjà goûté d’une tartine de pain de Pays au beurre de Pays en double couche de Miel, évidemment de Pays. Un régal !. Les abeilles en cette saison bourdonnaient en vrombissements furieux en concurrence des nuages de papillons multiples aux couleurs étincelantes à en être presque fausses.
... Disparus ! Tous !

Le plus immobile d’entre-Tous était l’Oncle Abel, le plus noir aussi, des chaussures au chapeau. Le plus droit et le plus rigide ! Même le piano et l’armoire d’ébène était noir chez Lui, et immobiles aussi. Les volets obstinément demi-fermés filtrant le soleil généreux du Sud accentuait l’immobilisme définitif et affiché... et le silence aussi.
Les mouches elles-mêmes hésitaient à s’aventurer en ces lieux étranges de fixité et écrasés de plomb.
... Le calme était de mise.

Le seul mouvement détecté chez cet homme fut celui l’animant une fois lors de la visite du Fort de Tournoux accroché en étage à la pente. Evocation d’une jeunesse guerrière enfouie, dernière étincelle éclairant la fente obstinée ? Il disparut en silence, sans doute immobile.
... Je ne m’en aperçu pas.

Nous l’aimions bien, l’espion Abel et son mystère silencieux. Que de délires sur cet homme qui ne demandait rien, sinon que de vivre.

La fente, toujours la fente…

Souscription pour la rénovation de la petite église de Saint-Flavi qui dégouline la pente inconsidéremment.
Le point de vue… sur la question de Saint-Flavi.

La vallée de l'Ubaye. Les Séolanes, elles sont trois. 2999 mètres vous toisent magnifiquement.

Le Village des Sanières.

Ah ! Voici une Bâtisse classique de la vallée habillée de sa couverture typique de tôles ondulées rouillés et percées… de sa fenêtre de bois qui permettait l’accès aux foins et autres céréales engrangés pour l’hiver. Le Schwastre, mot franc-comtois ou allemand nommait ces ouvertures accueillantes aux mécanismes de levage parfois sophistiqués.

Rouages et cylindres de bois, poulies métalliques et grosses cordes sont encore présents dans maintes habitations de la vallée mais se diluent en un lent effacement sous le désir impérieux de lumière des nouveaux habitants...

Les Sagnes. Le bois mort côtoie les verts les plus tendres. Et toujours ces faramineux contrastes en superposition.

Le fenil est le nom donné à ces greniers hauts perchés qui apportaient isolation et chaleur à ces habitations glaciales. Les animaux d’un côté et le foin au-dessus, et la pente en protection du vent glacial, de l’autre côté.
Et nous voilà paré et bardé pour l’Hiver.
Et ça va barder !

En contre-pointe et en contre-bas, le montoir de terre, ce petit chemin pentu accédait aux granges de moindre hauteur et autorisait l’usage de la charrette.
Parfois des ouvertures sans fenêtre, toujours petites, étaient obstruées par des rondins formant fagots de gros bois et isolant la demeure des grands froids.
Ces témoins des rigueurs climatiques s’estompent devant le double vitrage et le réchauffement planétaire. Même ici la mondialisation parvient en ces lieux discrets.

Les toits de tôles autrefois étaient signe de richesse et de modernité dans ce rude Pays aux lourdes couvertures traditionnelles de lauze, de pierres semi-taillées ou de bardeaux de mélèzes. Le Mélèze de son bois rouge et imputrescible assurait protections et couvertures aux Gens de la vallée. Merci à Dame nature de prendre aussi bien soin de nous. Peut-être devrions-nous la ménager comme elle nous ménage. _ On la déménage plutôt, Papa !
 
Papa ! Je préfèrerais recevoir une bonne tuile sur la tête qu’une tôle rouillée ou une lauze; ou un paquet de neige glacée !

Papillon de nos montagnes. Il en reste encore quelques uns... mais pour combien de temps encore ?
 
Mon fils avec sa légèreté habituelle est rempli de plein de bon sens.
_ Pirsonnellement, en pirsonne, je préfère le bardeau de mélèze [Catarrella, le Sicilien]. Propos rapportés par le Commissaire Montalbano à l’occasion d’une de ses enquêtes de vérité.
_ Personnellement, je préfère recevoir la Brigitte… cependant il est plus probable dans ce pays de recevoir une cheminée dégradée par la fente… qui avance.

La Source du Torrent d’Abriés. La Tour des Sagnes. Au fond, le col de Restefond et la route vers le Comté de Nice.

Le vert tendre et humide et les souches sèches s’allient en harmonie dans ces eaux limpides.

Tapis de Fleurs de Montagnes à la robe violine.

Les Mélèzes et les Epicéas côtoient les eaux glaciales en attentes…

BAYLOT Michel. Le 19 Août 2014.
Bibliographie.
Office de Tourisme. Jausiers. Aux temps des Marchands…
Ballades à Saint-Flavi, aux Forests Hauts et aux Sanières.
Alpes de haute Provence. Encyclopédie du Voyage. Gallimard.
Le petit Gibus. La guerre des boutons. S’il avait su !
La maison du Bois. Méolans-Revel.

Les Sagnes. Haute vallée. A l'origine du torrent d'Abriès.

Les Sagnes, un parterre d'eau stagnantes.

Et le mulot des moissons se fond dans les frondaisons en toutes saisons.