L'itinérance douce.

Errances en pays de confluences et d’eau douce.

Au nœud de toutes les rencontres aquatiques la ville de Decize, la Nivernaise mêle généreusement ses eaux de Loire à celles du discret Aron. Le canal du nivernais y puise la source de son inspiration et s’emporte jusqu’aux rives de la Seine.

En parallèle le canal latéral à la Loire n’y fait qu’une halte et néglige son repos, indifférent au cours des choses.

La vieille Loire Decizoise ensablée d'herbes. [cliché Internet].

Toutefois méfions-nous, le temps varie son cours en ces lieux fluides comme peut en témoigner les bras morts de la vieille Loire asséchée par volonté d’hommes. Les sables du temps l’ont ainsi irrémédiablement enherbé et écarté du flux.

Persiste et signe le brise-herbes radicalement immobile dont l’étrave de pierres fend en une habitude figée l’incertain aqueux. Mais tout le monde ne s’en désole pas. Ainsi le héron hobereau, têtu dans sa quête et les cygnes lents s’en accommodent fort bien.

Le bossu sort le soir, rase les eaux et médite ses mauvais coups immobile avec la patience de l’obstiné; en contraste la poule d’eau active de la tête et de la palme avec sa démarche alternative trébuchante et son nez rouge, un brin comique fait ses cercles d'eau et ses ronds.

La poule d'eau, mouillée. _ Ouah ! trop facile papa !..

En regard sur la berge, le pizzaiolo s’active intensément dans sa cambuse de bois de guingois en accélération aux heures de pointe. Contraste brutal avec le héron énigmatique et systématique sur sa souche de bois nouée; démobilisant pieu ponctuant l’inquiétant couché de soleil flamboyant dans le fond.

Le spectre Hobereau attend son heure, indifférent au tumulte de la berge.

La magie de tels lieux se révèlent parfois si étrangère qu’il faudrait sans doute s’en étonner. Cependant sa fugacité rassure mais interroge, de même que l’immobilité de l’hameçon bossu fidèle à son morceau de point d'Appui Archimédien, à la stabilité surprenante.

Alors Mario, elle se cuit cette pizza dans le four à bois tournant ?.. hé Mario tu prends ton envol ou bien c’est un four aux abois ? Aussi les odeurs de pain et de brioches cuites à cœur et à cris agacent le palais et accélèrent l’impatience en attente mais rassurent les chalands... en rades.

Ceci n'est pas une pizza !

Ici, le pizzaiolo prend des airs étrangers d’Afrique, ce qui n’est point fait pour nous déplaire. Il retrouve naturellement les gestes de boulange de ses Anciens qui collaient d’un lancer ferme le pâton de pain écrasé haut sur les parois du four sphérique adapté aux cuissons de terre cuite en trois dimensions. Et seul le geste rotatif de centrifugeuse rayonnant en étalement de pâte fine diffère dans son roulé-boulé du pas alternatif de la poule d'eau et de la matronne africaine. Et le pâton de pate surgelée n’a plus qu’à bien se tenir et à s’arrondir en cive comme il convient. Mais quelle dextérité rotative !

L'Africain sans freins mais bonne patte dans sa force expansive fortement centriguge donne des airs de civette à son met en construction. Oui mais pas de mais, oui mais pas de dérives, il nous faut cette pizza coûte que coûte, quoi qu'il en croûte !

Le Kopi Luwak café le plus cher au monde est extrait des excréments de la civette asiatique!

Food&Sens s'intéresse depuis quelques temps au café et en faisant quelques recherches, nous sommes tombés sur cette curiosité! Saviez vous que le café le plus cher au monde n'est pas le Blue Montain mais le Kopi Luwak? Et qu'il est récolté dans les excréments de la civette asiatique?

http://foodandsens.com

http://foodandsens.com/tendances-et-curiosites/kopi-luwak-cafe-plus-cher-monde-extrait-excrements-de-civette-asiatique/

Libérons les civettes asiatiques des servitudes masculines !

Un vent de nostalgie indéterminée nous étreint dans ces zones frontières de jour et de nuit où des forces mystérieuses oeuvrent en silence, toujours insidieuses et mêlées; toujours en équilibres et en oppositions.

La lumière se mêle à l'ombre ici et l'on sait qui va gagner.

Et roturiers, hobereaux et nobles liés par un sort commun d'impatiences entremêlées attendent en constance la pitance généreuse en devenir improbable. Et cela se bouscule dans le sas à écluses.

Toues cabanées en Loire pesante. Les mats des gabarres sont démontés; eux aussi en repos.

Il faut dire qu’en ces couchers de soleil de septembre froid les clients se pressent agglutinés autour de la petite cambuse à pizza du coin, en concurrence de flammes et de chaleur avec le soleil couchant légèrement aggressif en arrière fond qui manque le moins.

On ne s'en lasse pas.

Le point chaud assure son alternance au coucher de soleil froid et une impatience s’instaure au creux du chaud. En regard dans la périphérie le froid s’installe en sinuosités sournoises et les moustiques se ressèrent autour de la bâtisse bancale et abusent totalement du moment... magique. Eux n'attendent pas le bon vouloir de la cambuse qui abuse !.. ils se servent.

Celui-là nous semble moins endormi que notre Hobereau de pierres.

En parallèle et indifférent le cours de la Loire tari un brin mari s'étire en une pâte...oui bref,... persiste dans sa lenteur de même que le héron dans son immobilité de bois presque mort. Seul Mario dans notre éloge de la lenteur s’active en surchauffe... et de la sole chaude émane de ces odeurs à damner un Saint même pas gaucher. Et le temps de l'attente s’égrène goutte à goutte, en tic et tac distincts comme l'elixir parcimonieux du bon père... dans l'alambic où il y a un hic qui désespère et s'exaspère. Et la goutte qui nous dit, point par point et du tac au tac... je t'attends !

Deux heures que ce sac à plumes n'écrit rien ! Ce n'est plus la crampe (de l'écrivain) mais l'angoisse de la page blanche et de la panse vide. Mais que rumine dans son immobilité obstinée l'étrange bête à sec ? Des rêves de poissons ? des rêves de fritures ? ou bien... digère t-il seulement... oui bien sûr, il a été servi le premier !

A se demander si le syndicat du crime, du tourisme n’a pas posé subrepticement un animal empaillé à gruger le touriste en itinérance, en douce. Ainsi sur la durée, longue et tenace, l’animal figé n’obtenait guère plus de succès que le client en impatience de cambuse immobile sur la berge en contigüité.

Bienvenue, bienvenue oui !.. mais si rien ne vient ?

Et voici la gérante du gite d’à côté qui commande cinq pizzas à effondrer la baraque à Obhama. Mais elle aussi abuse en concurrence déloyale; cinq royales d'un coup ! un coup à faire s'effriter le pâle édifice et tout ce qu'il contient, cives comprises comme le service. Les cives n'en reviennent plats, pas ! Aussi les olives noires contiennent toujours un noyau dur à se casser les dents.

_ Vas s’y Rousty’Pizz ! Roussit-nous ! Sourit-moi ! Je n’attends que ça.
Mets les gaz et les câpres ! Active les feux et que ça décâpres ! Avec un peu d'anchois tout de même, si le héron n'a pas tout pris et si le gite d'à côté cesse de faire son gringue à l'Afrique en perdition, en très forte gite. _ Oh la gringos ! Stop ! tu ralenties la dynamique enfarinée du moment...

Une carte de fidélité offerte à notre errance douce, immobile et bien trop ponctuelle, quelle ironie ! Cependant nous n’avons pas osé refuser le carton vert de l’étranger si bien tamponné, nous l’étranger de passage. Merci bien monsieur l'Africain...de nous nourrir si généreusement.

Ici l'on écluse lentement. Mille excuses, c'est à l'ordre du jour.

Passé le pont de la vieille Loire se loge dans le virage le petit port de Saint-Thibault, discret abri pour les quelques péniches et bateaux de plaisances fixés en pointillé par le repos nocturne qui s’annonce. Ici aussi les cheminées fument et développent chaleureusement leurs panaches verticalement haut dans l’air sans vent. Et le soir finissant et frissonnant n'en fini plus d'en finir... normal ! le temps lui-même ralenti en ce lieu relativiste... et seul les frissons accélèrent.
_ Papa ! Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop dans le contraste et la nuance ralentie ?

Mais où loge-t-on au final ? mais chez la gringos à pizzas bien sûr, l'accélérée qui faisait tout à l'heure son gringue à toutes allures à l'Africain efflanqué. Aussi ouvrons-nous aux opportunités du moment sans nous laisser trop distraire par la concurrence.

FIN ? que nenni, ce n'est qu'un commencement. Trois jours d'errances, trois jours de flaneries, trois jours de piétinements, trois jours de marche lente en zig et en zag... un délice d'inertie sans but et sans reproche au Forum Decizois SINUO qui bat lentement son plein, un peu mou.

Trois jours d'attentes, trois jours d'itinérances douces en pleine existence.

Eloges des circonvolutions sinueuses, éloges du pas de l'âne obstiné, éloges de la grôle en lacets, éloges du sans voiture où ça rame en pleines eaux vives... le salon qui fait salon Sinuo s'insinue dans la cour et la course des Grands; mais faut pas pousser ou alors lentement.
_ Sûr papa !.. ici il faut pédaler.

Le port Saint Thibault. Ville de Decize. Nièvre. 58. Cales de ravaudages pour bateaux à fonds plats. Ici ça calent, surtout les voitures.

La frontière d’arbres flamboie brièvement dans le lointain mais cède lentement la place au noir impératif dans une chape d'oppression proche de l’extinction des feux.

L'Aron s'est habillé de reflets magnifiques aux couleurs mauves.

Cependant j’aimerais serrer de près la main de mon pizzaiolo du moment à la bonne pâte bien cuite, à la bonne franquette et à la bonne bouille. _ Hum ! quel délice fut cette pizza cuite au bon feu de bois, elle ne nous laissa pas de bois.

Le bois flamboie et les papilles foudroient.
_ Papa ! tu en fais encore trop ! et il n'y a pas eu assez de pizzas.

Au matin, le réveil est somptueux comme le fut la veille.

Mais étranger tu es, étranger tu resteras dans ces domaines humides où l'on pleure beaucoup. A moins que depuis le temps où tu roules tes pizzas et ta bosse tu n'appartiennes à ces rives mouvantes arpentés avec constance par tout un petit peuple de plumes et de poils en transit systématique... hors bien sûr le hobereau figé dans son attente de plus en plus indistincte et rigide, informelle. L'animal a dû s'endormir.

Un rayon entre deux averses s'insinue à Sinuo.

BAYLOT Michel. Le 02 Octobre 2016. En pays d’émouvance, lente.

Et la rivière se réveille et en promet de biens belles.

Bibliographie. Rousty’Pizz. 20. Avenue du 14 Juillet. Decize. Nièvre.  Les Ligéries. 58000. Decize. Nièvre. SINUO. Salon de l’Itinérance Douce. Decize. 1^er et 2 Octobre 2016. Village portuaire de Decize. Le port de la Jonction. Juste à côté de l’hôpital où ça fait mal. Le musée de la batellerie de Châteauneuf sur Loire. En bord de Loire, sur les hauts bords.